Régis DEBRAY, 2002, L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, Paris, Odile Jacob, 62 p.


En réponse à la demande du ministre français de l’éducation nationale, Jack Lang, Régis Debray présente dans ce bref rapport la problématique de l’inculture religieuse des jeunes Français et de la nécessité d’une insertion plus substantielle du fait religieux dans les programmes officiels et dans la formation des enseignants qu’il traduit en douze recommandations.
Déshérence collective, rupture des chaînons de la mémoire nationale et européenne, affadissement du quotidien environnant, telle est sa lecture du problème actuel dans la formation des jeunes Français. Selon Debray, « Le temps paraît maintenant venu du passage d’une laïcité d’incompréhension (le religieux, par construction, ne nous regarde pas) à une laïcité d’intelligence (il est de notre devoir de le comprendre). » (p. 43)
L’auteur résume ainsi la solution qu’il propose : « Organiser en réseau l’archipel national des sciences religieuses ; désenclaver la recherche pour lui permettre d’essaimer au-dehors ; et ouvrir le monde enseignant à une formation professionnelle de qualité. » (p. 36) Les douze recommandations qu’il soumet visent à traduire concrètement ces trois moments. Ainsi, les recommandations 1 à 4 vont de l’évaluation de l’expérience vécue sur le terrain depuis 1996 (les programmes d’histoire-géographie et de lettres ayant déjà fait l’objet de modifications pour y inclure le fait religieux), à des propositions nouvelles d’insertion du fait religieux dans les programmes de français, d’histoire, d’enseignements artistiques et de philosophie au collège et au lycée. Les recommandations 5, 6, 7, 8, 11 et 12 proposent différentes mesures concrètes afin d’assurer la formation des enseignants et du personnel d’encadrement (chefs d’établissement et directeurs d’école). Enfin, les recommandations 9 et 10 s’attardent à la nécessité de développer des outils pédagogiques destinés aux enseignants et aux élèves.
Bref, il s’agit d’un rapport qui vient certes renforcer la place du fait religieux à l’école française à travers les disciplines scolaires déjà inscrites au curriculum qualifié de plein comme un œuf, et où l’on considère donc le religieux comme étant transversal pour atteindre la masse critique. « En dépit des apparences et à y regarder de près, refuser de promouvoir une matière à part entière peut devenir un bénéfice intellectuel puisque le religieux est transversal à plus d’un champ d’études et d’activités humaines. Ce peut être, en sens inverse, un danger pédagogique, celui du saupoudrage et de la désinvolture. Il nous faut donc cheminer dans le climat du moment, entre le trop et le trop peu. » (p. 60)
À notre avis, bien que Debray défende haut et fort la nécessité d’étudier le fait religieux à l’école, les recommandations qu’il soumet restent pour le moins timides. Tel que proposé, l’enseignement du fait religieux demeure en effet un saupoudrage et le risque de tronquer son étude n’est effectivement pas écarté. Ajoutons à cela le fait que le curriculum scolaire français ne permet pas une éducation du sujet éthique, la construction d’une identité morale inscrite dans une volonté de reconnaissance réciproque des personnes et des groupes, l’éducation civique se limitant à l’étude des institutions démocratiques. À cet égard, il y aurait lieu de poursuivre la réflexion en s’inspirant d’auteurs en philosophie morale tels que Ricœur et J.-M. Ferry, et en éducation civique tels que Leleux et Pagoni-Andréani, pour doter préalablement les jeunes d’une capacité d’ouverture critique devant le fait religieux, en particulier par une approche axée sur la question identitaire et l’acte communicationnel.

Nancy Bouchard
Université du Québec à Montréal