Massimo Introvigne. 1994. La magie à nos portes, Montréal, Éditions Fides, (Coll. «Rencontres d'aujourd'hui»), no 20, 118 p.

Comme son nom l'indique, ce bref ouvrage de Massimo Introvigne, directeur du Centre d'études sur les nouvelles religions, se veut une analyse du renouveau magique contemporain. Comte concevait l'évolution de l'humanité en trois étapes: la magie, la religion et la science. Mais l'histoire ne semble pas y avoir donné raison. Dans notre univers scientifique, la magie n'est point disparue. L'alchimie est probablement pratiquée par plus de personnes aujourd'hui qu'au Moyen-Âge, les librairies ésotériques font des affaires d'or et les astrologues sont maintenant plus nombreux que les prêtres.

L'auteur présente la magie comme un défi anthropologique (p. 13), historique (p. 18), sociologique (p. 22) et théologique (p. 27). À travers le langage des métaphores et des symboles, il nous décrit ce milieu avec ses adeptes et ses détracteurs. Reprenant les grandes lignes de l'un de ses ouvrages précédents (La magie: les nouveaux mouvements magiques, 1993), il souligne l'ambiguïté de l'expression «nouveaux mouvements magiques» (p. 51-55). Les sociologues sont habitués à opposer la magie comme expérience personnelle au mouvement comme réalité collective et sociale. La nouveauté de la magie, conclut Introvigne, n'est pas dans son fonctionnement mais dans son organisation. «La magie est vieille comme le monde. Ce qui est nouveau, c'est la naissance et la diffusion sociologiquement significative, à partir des dernières décennies du XIXe siècle, de groupes qui pratiquent la magie dans des réunions collectives» (p. 54).

La magie a aussi ses ennemis qui la perçoivent comme une menace. L'auteur les divise en deux catégories: les anti-occultistes (p. 35) et les contre-occultistes (p. 44). Inspiré par le modèle positiviste de la preuve scientifique, le mouvement anti-occultiste cherche à démontrer l'escroquerie de la magie. Selon Introvigne, la foi dans la science des «debunkers» est aussi naïve que dans celle observée chez les adeptes du Nouvel Âge (p. 37-38). Les contre-occultistes, quant à eux, associent la magie aux oeuvres du diable, thèse rendue extrêmement populaire par le roman de Frank Peritti (This present Darkness, 1986).

En résumé, ce livre, bien que limité, présente les grandes thématiques de la magie et fait une synthèse des théories élaborées par quelques autres auteurs dont Françoise Champion (p. 57-62) et Antoine Faivre (p. 66-69). Il s'agit d'une excellente introduction pour comprendre cet univers secret à partir d'une analyse sociologique. Le ton se veut non-polémique, axé sur le dialogue mais engagé avec une certaine fermeté pour éviter «le pessimisme radical qui démotive l'interlocuteur» et «l'optimisme naïf qui risque de mener à des syncrétismes inféconds».


René St-Germain,
Université du Québec à Montréal

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